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O YEA

La nef des fous

mardi 7 octobre 2025 par Hoggins!
La direction toulousaine de l'École Nationale Supérieure d'Audiovisuel (ENSAV) ferme définitivement le site délocalisé de Castres où se déroulait depuis près de vingt ans une formation de graphistes technicien⋅ne⋅s spécialistes des effets visuels. Les étudiants inscrits cet été restent sur le carreau, les intervenants et partenaires se mobilisent tant bien que mal. Tandis qu'à Toulouse on se mure derrière des communiqués laconiques, à Castres on ne s'étonne plus de rien, entre colère et résignation.

RADIOM est née grâce à l'ENSAV 1. Gardez bien cette information en tête : ça n'est peut-être pas aussi valorisant que vous l'imaginez, mais ça a son importance pour la suite de ce que vous allez lire ici.

La nouvelle est tombée comme un couperet. Mais un couperet mou. Un couperet qui n'assume pas du tout ce qu'il est en train de couper. Un couperet en pâte à modeler, figurant dans le film de sa propre existence. La fin de l'ENSAV à Castres, de manière abrupte et muette, tout ce que le ghosting peut avoir de mauvais dans son incapacité à mettre des mots sur un malaise. Et bien sûr tout le monde reste dans le vague 2 : professeurs, responsables de site, étudiants inscrits, partenaires... il faut se faire une raison : il n'y aura plus d'ENSAV à Castres désormais, et si cela vous apparaît comme une prophétie je ne demande ici qu'à être sauvagement contredit dans un futur proche ou lointain. Car même si moi aussi je me suis résigné à voir disparaître cette filière sur un territoire qui l'a vue naître et prospérer, je nourris bien sûr le discret espoir d'assister à l'incandescence du phénix. On peut toujours rêver.

Canal historique


Pour ne perdre personne, il convient de faire un petit retour en arrière. Mais qu'est-ce que l'ENSAV, et qu'est-ce que l'ENSAV à Castres ? On revient sur l'époque pas si lointaine où le "N" de l'ENSAV n'était pas encore présent : l'École Supérieure d'Audiovisuel n'avait pas besoin de se donner de grands airs. L'Université du Mirail, désormais Université Jean Jaurès à Toulouse, soutient son école d'audiovisuel en plein centre de la ville rose, rue du Taur. Un écrin au pied de la basilique Saint-Sernin et au milieu d'une riche vie culturelle toulousaine.
Castres voit arriver un site délocalisé de cette école au début des années 2000. Cette émanation spécialise les étudiants sur un diplôme de Licence Pro d'Études Supérieures d'Audiovisuel en infographie/multimédia.

Le sachiez-tu ?


Les effets spéciaux regroupent les effets visuels et les effets pratiques. Pour créer l'illusion d'une situation qui n'existe que dans la réalité de la narration d'un film, on a recours aux effets spéciaux. Les effets pratiques sont mis en application directement sur le tournage (explosions contrôlées, masques, perspectives forcées, etc.), et les effets visuels 3 sont majoritairement appliqués en post-production grâce à l'imagerie numérique qui permet des choses aussi variées que l'étalonnage de couleurs ou l'ajout d'objets ou de situations entièrement simulées par ordinateur.
L'infographie dans le cinéma c'est la porte d'entrée vers les effets visuels. Certains étudiants issus de cette formation ont aujourd'hui une carrière dans les plus grands studios d'effets numériques du monde.
Vous l'aurez compris ici il y a, non pas entre les lignes mais bien en elles un aperçu de mon expérience personnelle au sein de cette école à Castres, et le ressenti(ment) qui en découle.
J'ai donc intégré cette formation en poursuite d'études en 2005 pour une année de L3 qui s'annonçait sous les meilleurs auspices : un sujet passionnant et des perspectives post-formation certes compliquées (les métiers du cinéma suscitent une envie qu'ils ne sont que rarement à même d'assouvir tant les candidats sont nombreux et les places limitées) mais pleines de promesses.
Inscription validée, dossier retenu, un copain sur liste d'attente qui est finalement admis lui aussi. Ouf !

Thermostat bloqué


La rentrée se fait. Une ou deux petites déconvenues, rien de bien méchant. Des équipements fatigués nous attendent dans des locaux vétustes mais franchement on s'en moque, et même si nous sommes capables de faire feu de tout bois et qu'une ambiance chaleureuse s'installe parmi les étudiants (qui se connaissent déjà pour certains) nous allons pourtant déchanter au fil des semaines. Il y a comme un flottement, il faut se rendre à l'évidence : la formation est quasiment à l'abandon. La douche froide ne tarde pas. Le directeur de site se rend rarement à Castres depuis Toulouse, tout affairé à sa direction de thèse pour les étudiants toulousains en Master. Nous n'obtiendrons que des miettes chargées d'un mépris de classe écrasant, nous qui n'avons pas intégré l'école par concours comme les autres mais "seulement" sur dossier. Comme si c'était de notre faute.
Bien sûr, les miettes en question, ce sont des professeurs et intervenants qui se déplacent à Castres en traînant des pieds, parfois qui ne viennent pas du tout. Des étudiants livrés à eux-mêmes qui ne comprennent pas ce qu'on leur reproche, et pour cause : ils n'ont rien fait de mal. La douche restera aussi froide que les relations entre le site délocalisé et la maison-mère : le thermostat est bloqué.

C'est dans ce contexte fort particulier qu'est née RADIOM. Justement parce que notre désœuvrement assourdissant et incompréhensible exigeait de nous que nous trouvions des solutions pour nous occuper, pour nous affairer, nous mobiliser. Nous ne comprenions pas pourquoi nous étions littéralement abandonnés, pourtant inscrits régulièrement, parfois sommés de nous déplacer à Toulouse pour assister à des cours regroupés avec d'autres étudiants sans réelle cohérence de groupe, et subissant une méfiance surprenante qui rappelait les rivalités claniques des cours de récré des années collège. N'avions-nous pas évolué depuis ?

Vietnam universitaire


On a du temps à revendre : on rencontre des gens, on s'organise, on crée. C'est cela qui nous a fait survivre à ce Vietnam universitaire. Des terres fertiles ravagées par le napalm d'un lointain et brutal étranger qui méprise ce qu'il ne voit de toutes façons jamais. RADIOM se crée donc, tout comme d'autres projets toujours vivaces aujourd'hui, dans ces décombres. Certains intervenants en revanche, ont largement tiré leur épingle du jeu et nous en gardons un souvenir chaleureux et bienveillant tant ils ont donné de leur personne et ont cru au projet et au potentiel de ces étudiants. Dire que la liste est exhaustive ferait affront à celles et ceux que j'oublie, je cite donc dans le désordre : Rashid Ghassempouri, Pierre Molinier, Alexandre Tylski, Alice Vincens, Michael Scroggins... en m'excusant par avance pour les autres. Pour d'autres en revanche, aucun regret : leur nom ne mérite pas citation dans ces colonnes.

Mais reprenons. Pendant ce temps, à Toulouse, au loin, une Direction déjà hautaine avec laquelle les rares contacts sont aussi ubuesques que violents. Des exemples ? Le patron vous en mettra un ramequin, vous vous en ferez une idée :
  • Un nouveau responsable de site est nommé. Il est acting : doctorant parmi les étudiants, sous la houlette du toujours virulent Directeur de site qui ne met pas les pieds à Castres, il récoltera tous les inconvénients du rôle sans un seul de ses supposés avantages, jusqu'à l'affront de se voir traiter de « petit connard arriviste » en public par ledit Directeur de site ;
  • À force d'un comportement toujours plus outrageant vis-à-vis des étudiants de sa part, une délégation d'étudiants demande audience à la Direction de l'école et se déplace à Toulouse après avoir convenu d'une réunion de crise dont l'objet est précisément la gestion du site. Sur place, le principal intéressé étant absent (pour une rencontre à laquelle sa présence était bien sûr indispensable pour une confrontation avec médiation) le Directeur décide qu'« on ne parle pas des absents » et clôt le sujet ;
  • À cette même occasion, il ne s'arrête pas là et dénonce un complot ourdi par les étudiants castrais : certains ont eu l'outrecuidance de créer une radio sans le tenir au courant, l'impliquer, ou lui demander la permission. Nous repartirons avec cette phrase dont nous rions encore tant elle confine au ridicule d'un égo boursouflé : « j'ai été humilié ! » ;
  • Complot toujours : nous sommes tenus pour responsables de la procédure intentée au Tribunal Administratif de Toulouse par un étudiant aspirant à la formation castraise mais éconduit et qui avait, sûrement aidé d'un conseil en la matière, jugé que son refus d'admission n'était pas conforme au Droit. De là à comprendre pourquoi on nous associait, ce jour-là, à a la démarche de cette personne que nous ne connaissions pas...

Quatre exemples, quatre situations, quatre tranches de vie de l'ESAV (sans le "N") des années 2000 à Castres. Je suis sûr que ça vous donne envie.

Aujourd'hui rien n'a changé, finalement. Ah, si. Les directeurs se succèdent. Le fondateur a quitté les murs. Mais pas si vite : celui à qui on ne pouvait jamais dire non pourrait bien voir que ce trait de caractère a quelque chose de collant. Plus que le sparadrap dont on ne se débarrasse plus. Non. Pas collant. Gluant 4.

Mais voilà, on arrive au bout du bout. La Direction actuelle ferme l'ENSAV Castres, son Directeur de site Alexandre Tylski oscille entre incompréhension et défaitisme. Bien sûr qu'il l'avait vu venir, lui qui était déjà en désaccord avec la Direction toulousaine sur de nombreux points, lui qui avait pourtant su revivre cette formation, lui qui avait noué des partenariats riches et forts avec des intervenants de qualité, lui qui se réjouissait encore il y a peu de célébrer l'anniversaire de l'ENSAV à Castres 5.

Cut. Check the gate.

À Castres, personne ne vous entendra crier


Bien sûr qu'il est difficile de gérer un site délocalisé à distance. Bien sûr qu'il faut assumer d'avoir choisi telle ou telle petite ville pour y implanter une telle formation. Bien sûr que ce choix implique une organisation, une envie, des moyens, de l'empathie, de l'humain.

Aujourd'hui force est de constater que cela a très souvent manqué. Quelques rares éclaircies bienvenues dans un ciel d'orage permanent ont parfois brièvement illuminé la scène mais elles n'ont jamais su faire oublier la violence institutionnalisée subie par des générations d'étudiant⋅e⋅s.

Alors finalement, a-t-on vraiment envie de voir revenir l'ENSAV à Castres ? La réponse est clairement non. Dans ces conditions, personne. On a arraché le sparadrap de la pire des manières, mais il est hors de question de le recoller. Alors on envisage l'après dans une multiplicité de configurations possibles pour imaginer le retour d'une formation qualifiante d'excellence en cinéma et numérique à Castres, mais on ne touche plus à l'ENSAV, et l'ENSAV ne nous touchera plus.

Et c'est sûrement pour le mieux.

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